Superphénix
Le roi des réacteurs, lui qui du haut de ses 1240MWe, offrait un réel potentiel de souveraineté énergétique à la France. Il est temps d’en parler. Quand une technologie qui a été éprouvée permet de fournir plusieurs millénaires d’énergie à un pays sans miner un gramme d’uranium supplémentaire, cela mérite de s’y attarder. Et surtout, l’avenir se prépare…
C’est est un article de vulgarisation, conçu pour parler à tout le monde. Il est en deux parties, la première se consacre à vulgariser les réacteurs rapides, je pars de zéro. La deuxième partie est quant à elle consacrée à Superphénix, et est plus technique et nécessite d’avoir lu la première partie.
Je vous souhaite une excellente lecture, et n’hésitez pas à me poser vos questions sur X !

Partie 1: éléments de vulgarisation sur les RNR-Na
Superphénix (SPX ou même SPX1) est un réacteur nucléaire à neutrons rapides refroidi au sodium. Commençons par là.
Quand on dit « à neutrons rapides », et bien le neutron est une particule élémentaire, qui peut causer des fissions nucléaires. On le distingue du proton, et ensemble ils forment la famille des nucléons.
Une fission est une réaction nucléaire où un neutron vient briser un atome lourd en deux atomes plus légers. La fission génère de l’énergie, mais aussi des neutrons. Cependant les neutrons ne génèrent pas toujours des fissions. Ils peuvent entrer en simple collision et rebondir, ou se faire absorber sans pour autant causer une fission.
La fission génère des neutrons dits “rapides”, qui ont peu ralenti après leur éjection par fission. Quand on dit réacteur à « neutrons rapides » cela signifie qu’il fonctionne en spectre rapide, la majorité des neutrons es fissions seront rapides.
Maintenant, ces fissions génèrent de la chaleur, et pour la transporter on va utiliser le sodium. D’où le mot caloporteur, le fluide circule pour extraire la chaleur. Et pourquoi on ne garde pas l’eau ? Parce que l’eau ralentit les neutrons ! Le sodium (symbole Na) est une des possibilités (la plus connue). On peut aussi utiliser du plomb (Pb), ou de l’hélium (He). Il existe aussi des eutectiques pour avoir un point de fusion plus bas. On cite notamment le plomb-bismuth (Pb-Bi) et le sodium-potassium (Na-K). Le premier réacteur nucléaire de l’histoire était d’ailleurs un réacteur rapide refroidi au mercure, Clementine. Après quelques tests dans le monde, le sodium a été retenu pour ses nombreuses qualités.
Et tout cela nous amène enfin à la définition du RNR-Na…

Dans un réacteur à eau, on dit qu’on utilise des neutrons “lents”, ou “thermiques”. Ils ont perdu leur énergie par une succession de chocs avec l’eau, et cela permet d’augmenter sa probabilité d’être capturé puis de causer une fission, sur l’uranium 235. Et là on touche du doigt une notion clé: la section efficace. J’explique en dessous ce qu’elle est.

Cette section efficace varie selon la vitesse du neutron. Cela permet d’identifier trois domaines de vitesse des neutrons, comme ci-dessous. C’est une convention.

Mais si on sait utiliser les neutrons thermiques (lents) pourquoi faire du rapide ? Et bien on peut aller chercher d’autres isotopes que l’uranium 235 (qui est limité sur Terre). Si on prend le plutonium 239, passer en spectre rapide permet de fissionner 10 fois plus souvent que d’absorber un neutron (absorption qui ne libère pas d’énergie).

Mais il n’y a pas que le plutonium qui est mieux valorisé ! Prenons un réacteur EDF de 1300MW, et en moyenne observons la composition d’un combustible usé sur un an.

Si on regarde maintenant ce qu’on fait avec un réacteur à eau VS un réacteur rapide, on voit que les matières sont largement mieux valorisées en spectre rapide.

Un réacteur thermique produit des matières nécessaires au démarrage d’un réacteur rapide, il sont complémentaire, c’est pour cela qu’on parle de “fermer le cycle”. Il n’y a pas à opposer les deux, c’est le principe d’une synergie. Il faudra encore des décennies (voire siècles) de réacteurs à eau, en revanche le cycle associé à cette seule technologie n’est pas durable. Précision, la surgénération n’est pas possible sur REP-UOx.

Juste au-dessus j’évoque les actinides mineurs. Ce sont des atomes lourds qui ont absorbé des neutrons sans fissionner, et ils sont assez compliqués à gérer à cause de leur radiotoxicité (surtout l’américium 241). Il y a trois atomes concernés, Neptunium, Américium et Curium.

Et pour finir sur le cycle, pour avoir un réacteur qui utilise tout l’uranium du combustible (et pas 0.7% comme actuellement), on a une condition importante qui est le nombre de neutrons générés par fission. On commence par déterminer le nombre minimum de neutrons par fission.
Si on somme, ça fait 10+3+10=23 neutrons pour 10 fissions, soit 2.3 par fission en moyenne. Et si on regarde le Pu239 en rapide ? Ca fonctionne !

Le plutonium 239 en spectre rapide en produit 2.4, et c’est bien supérieur à 2.3. Donc en théorie, on peut utiliser 100% de l’uranium d’un assemblage combustible.
Pour finir cette partie, une comparaison des réacteurs à eau pressurisé (REP) comme exploités par EDF actuellement, avec les RNR-Na.

Concernant le fonctionnent général d’un RNR-Na, c’est dans la suite. J’ai donné des éléments de définition, vous savez maintenant tout ce qui est nécessaire pour comprendre le principe d’un réacteur rapide. En route pour Superphénix !
PARTIE 2: Superphénix, l’échelon industriel pour fermer le cycle combustible français.
Commençons par un schéma. L’objectif à la fin de cette partie est que vous ayez compris chaque élément, et si vous savez déjà comment fonctionne un réacteur à eau pressurisé d’EDF (désigné REP ensuite), ça vous permettra de comparer.
Voilà le plan :
1. Pourquoi faire Superphénix ?
2. L’histoire des RNR, du projet Manhattan à SPX2
3. Pourquoi le sodium comme caloporteur ?
4. Principes de conception généraux
5. Sûreté nucléaire
6. Les matériaux
7. Cycle combustible
8. Exploitation et bilan de SPX
9. La suite de SPX
10. Conclusion
11. Sources
1. Pourquoi faire Superphénix ?
“Le premier pays qui mettra au point un réacteur nucléaire surgénérateur en tirera un avantage commercial décisif.” Enrico Fermi, 1945.
1.1 La continuité d’une histoire technologique française
Le grand-père de Superphénix, Rapsodie
La France d’après 1945 se relève doucement et créée en 1945 le Commissariat à l’Energie Atomique, pour que la France soit souveraine sur les technologies nucléaires militaires et civiles. La recherche sur les neutrons rapides en France part avec 10 ans de retard sur les Etats-Unis (Clementine, EBR-1), l’URSS (BR2, 5 puis BR10) et la Grande-Bretagne (DFR). En 1958, le CEA l’avant-projet sommaire de Rapsodie, première “pile expérimentale à neutron rapides refroidie au sodium” (on appellerait ça un réacteur nucléaire aujourd’hui). L’objectif est d’acquérir des données expérimentales pour lancer plus tard un prototype dont on pourrait convertir l’énergie du cœur. L’aventure des neutrons rapides commence alors à Cadarache, dans le Sud de la France. Sa construction commença en 1962 et s’acheva en 1966, pour une première divergence et l’atteinte de sa pleine puissance (20MWth) en 1967. Il fut exploité pendant 15 ans, et a permis de qualifier plein de matériaux.


Son père, Phénix.

EDF et le CEA signent en 1969 un protocole d’exploitation commun. Le réacteur fera 250MWe, permettant de garder les dimensions industrielles des groupes turbo-alternateurs disponibles à l’époque. Début des travaux en 1968 et divergence en 1973, pleine puissance en 1974. Malgré quelques incidents propres à tout prototype, le réacteur fonctionne 35 ans de façon remarquable, et est le premier à utiliser le plutonium qu’il a lui-même produit. Il atteint un taux de régénération de 1.16 (16% de matière fissile en plus à la fin du cycle par rapport au début). Sur SPX, le taux visé était de 30%. Le concept de surgénérateur est validé !! Les Etats-Unis félicitent la France pour cette prouesse qui, rappelons le, a été réalisée il y a plus de 40 ans.
La naissance de Superphénix.
Fin des années 70, après deux crises pétrolières, et après avoir valider un concept de RNR de grande puissance, la coopération européenne pour l’échelon industriel se met en place. Anglais, belges, hollandais, allemands, italiens et français travaillent ensemble à la construction de SPX. Le prototype de 1240MWe commencé en 1976 qui atteint sa pleine puissance en 1986. A l’époque EDF construisait les 900MWe et concevait les futurs 1300MWe. L’objectif était de se placer au même niveau que les réacteurs de puissance.

SPX est exploité par NERSA, société de projet tri-nationale européenne. EDF pour la France, ENEL pour l’Italie et RWE pour l’Allemagne signent une convention pour « la construction et l’exploitation » de centrales nucléaires de la filière à neutrons rapides. La société NERSA ainsi créée est autorisée par décret le 13 mai 1974. Elle est autorisée le 12 mai 1977 à construire Superphénix à Creys-Malville.
1.2 La volonté de fermer le cycle du combustible français
Les qualités des RNR du point de vue du cycle combustible sont remarquables. Comme expliqué plus haut, les deux configurations de cœur de type incinérateur ou surgénérateur donnent à SPX un avantage considérable sur tous les autres réacteurs à neutrons thermiques (qui constituent au moins 95% des réacteurs actuels).
Plutonium. Actuellement en France, il est utilisé dans les REP sous forme de MOx (“mix d’oxydes U-Pu”), mais il ne peut être utilisé qu’une fois, sa qualité isotopique se dégradant (c’est à dire que la proportion des isotopes pairs, non fissiles, augmente). Le multi-recyclage efficace ne peut avoir lieu que grâce dans des RNR. Nous disposons aussi des stocks de MOX usés (120 t/an), qui ne sont pas valorisés actuellement malgré leur immense potentiel énergétique.
Autres ressources valorisables. L’uranium de retraitement appauvri (800 t/an) et l’uranium de retraitement réutilisé (140 t/an), sont également actuellement très peu valorisés, alors qu’ils pourraient servir de combustible dans un parc de réacteurs rapides. Enfin, mais cela est encore à confirmer, il est possible sur le papier de convertir les actinides mineurs par transmutation ce qui diminuerait encore la quantité et la toxicité de ces déchets ultimes. Les déchets les plus complexes à gérer sont actuellement produits par le parc français à hauteur d’environ 40 t/an, ce qui est ridicule au vue de l’énergie produite mais reste néanmoins un enjeu de gestion (stratégie d’entreposage et de refroidissement).
Cette partie très importante sera détaillé plus loin (au point 7).
1.3 Le maintien des compétences sur une filière d’avenir
Rapsodie, Phénix puis Superphénix sont les étapes technologiques d’une histoire française. L’étape du prototype pour valider le concept, l’étape semi-industrielle et l’étape de grande puissance. A l’époque, le maintien des compétences clés était pris en compte.
2. L’histoire des RNR-Na, du projet Manhattan jusqu’aux start-ups du CEA
“L’énergie nucléaire est une sacrée façon de faire bouillir de l’eau“ Albert Einstein.
Il est important de comprendre la genèse de l’idée derrière le RNR. Ce concept est en réalité apparu dans les esprits des physiciens à peu près au même moment que celui des réacteurs à modérateurs. Enrico Fermi, futur prix Nobel de physique, qui travaillait alors sur la pile de Chicago, a été le premier à étudier les neutrons rapides. Il a remarqué que les neutrons lents causaient plus fréquemment des fissions que les neutrons rapides, découvrant alors le principe de section efficace. Le projet Manhattan achevé, la recherche sur les applications de la fission nucléaire allait bientôt devenir un enjeu majeur pour cette deuxième moitié du XXe siècle.
1942 Dans le cadre du projet Manhattan, Enrico Fermi pilote un projet de première réaction nucléaire en chaîne contrôlée. C’est la pile de Chicago. Le 2 décembre 1942 à 15h25, la première réaction en chaîne artificielle auto-entretenue débute.

1945 Enrico Fermi propose le concept de réacteur surgénérateur. Un réacteur produisant plus de matière fissile qu’il n’en consomme.
1946 Le premier réacteur nucléaire à neutrons rapides, Clementine, diverge. Il a un caloporteur au mercure. Son objectif était d’étudier les propriétés nucléaires de plusieurs matériaux à la suite du succès du projet Manhattan. Ce réacteur a servi à de nombreuses expériences, comme prouver la possibilité de faire un surgénérateur civil, ou encore mesurer les sections efficaces de plusieurs isotopes.
1951 Le premier réacteur nucléaire électrogène, EBR-I pour Experimental Breeder Reactor I, produit assez de puissance pour allumer 4 ampoules. Son caloporteur est un eutectique sodium-potassium (Na-K).
1956 Création du consortium européen EUROCHEMIC, première agence européenne de coopération technique nucléaire.
1962 Construction de Rapsodie (Rapide-sodium), premier RNR-Na en France, critique en 1967. 20MWth. Fonctionnera jusqu’en 1983.
1968 Construction de phénix par le CEA et EDF. 560MWth. Il fonctionnera jusqu’en 2010.
1976 Construction de Superphénix dit SPX, 1240MWe. L’échelon industriel des RNR-Na, plus gros RNR jamais construit à ce jour. Pleine puissance en 1986, après seulement 10 ans.

1984 Lancement du projet SPX2 (ou Rapide 1500), afin de proposer une version de 1500MWe issue du retour d’expérience de tous les RNR, y compris SPX. Le projet n’ira pas plus loin que le stade de la conception suite au meurtre de SPX.
1992 Le redémarrage de Superphénix est soumis à la réalisation préalable d’une étude (Rapport Curien) sur la contribution que pourrait apporter Superphénix à l’incinération des déchets radioactifs. Cette étude confirme l’intérêt de SPX pour ce sujet, et le redémarrage est autorisé le 17 décembre 1992.
1997 Superphénix est tué par le gouvernement Jospin, avec le soutien de Dominique Voynet, mettant un coup d‘arrêt à la fermeture du cycle.
2010 Le projet Astrid est lancé par le CEA pour garder les compétences et faire monter un projet digne des exigences des réacteurs de génération IV.
2019 Le projet Astrid est arrêté par le gouvernement macron pour des raisons soi-disant économiques et est repoussé à la 2e moitié du XXIe siècle.
2023 Le CEA essaime 2 start-up RNR-Na pour concevoir un réacteur nucléaire proche de Phénix mais répondant aux standards de sûreté modernes. Hexana et Otrera. Elles permettent de valoriser le retour d’expérience du projet ASTRID.
3. Pourquoi le sodium comme caloporteur ?
J’en ai déjà parlé dans la partie 1 mais je détaille un peu plus ici. Les RNR ont autant de designs que de caloporteurs. Certains choisissent des métaux liquides purs (sodium, plomb, mercure), d’autres des eutectiques (plomb-bismuth, sodium-potassium), ou encore le gaz (hélium, CO2, protoxyde d’azote supercritique). Certains choisissent aussi l’option des sels (chlorure ou fluorure). Le choix du sodium présente plusieurs avantages et la famille de RNR ayant le plus de retour d’expérience dans le monde est de loin celle du sodium.
Un certain nombre de critères doivent s’appliquer au caloporteur d’un RNR. Le premier, assez logiquement, est sa transparence aux neutrons, afin de modérer peu. On cherche donc un matériau faiblement absorbant et à faible pouvoir de ralentissement, ce qui exclut de fait la plupart des matériaux légers.
Ensuite, on veut un caloporteur efficace, il doit donc avoir une forte capacité calorifique et une bonne conductivité thermique. Son écoulement en cœur doit être excellent et ne pas demander un effort trop important aux pompes primaires, il doit donc être peu visqueux.
Ensuite, il doit être capable d’encaisser les transitoires en restant monophasique liquide, il faut éviter qu’il se solidifie et qu’il bout.
Le caloporteur doit être aussi pur que possible pour éviter les produits d’activation dans le circuit, ce qui compliquerait la maintenance. On veut également éviter qu’il soit corrosif pour les structures internes.
Enfin, il doit être disponible à bas coût, en quantité industrielle, et le plus pur possible.
Bilan pour le sodium : ses températures de fusion (97,8°C) et d’ébullition (883°C) permettent, à 500°C, une utilisation à la pression atmosphérique. Il a une très bonne conductibilité thermique (100 fois celle de l’eau). Il absorbe très peu les neutrons et a une faible capacité à les ralentir (mais cette composante n’est pas nulle pour autant). Le sodium ne s’active pas non plus et est peu corrosif. Il est excellent d’un point de vue neutronique et thermohydraulique mais mauvais sur la physico-chimie du fait de la réaction Na-H2O très exothermique et de son inflammation au contact de l’air. Le sodium n’est pas cher et est adapté à l’usage industriel. Sauf si évidemment on exclut la réaction sodium-eau par conception. C’est le choix retenu par le projet ASTRID (échangeur sodium-diazote) et par HEXANA (échangeur sodium-sel).
Je remets ici les différentes qualités du sodium.
4. Principes de conception généraux
4.1 Neutronique du cœur
Un petit rappel des trois domaines énergétiques des neutrons d’un réacteur nucléaire (les neutrons au delà du domaine rapides sont dit relativistes).
Superphénix est donc un réacteur à neutrons rapides (RNR), ce qui signifie que sa population de neutron sera (très majoritairement) dans le “spectre” rapide. On utilise communément une unité d’énergie appelée électron-volt (eV) pour l’énergie cinétique des neutrons. Ainsi le domaine rapide va de 10⁵eV à 2*10⁷eV, comme le montre la courbe orange ci-dessous.

Il y a un certains nombre de paramètres à surveiller, donc les coefficients de sûreté neutronique. Il y en a surtout deux, l’effet Doppler et le coefficient de vide.

L’effet Doppler est donc négatif par conception sur SPX, cela permet d’avoir une contre-réaction favorable si jamais le combustible s’échauffe trop. Concernant le coefficient de vide c’est plus compliqué de le rendre négatif. Je ne vais pas rentrer dans le détail mais c’est un des principaux enjeux des réacteurs rapides du futur.

Un élément très intéressant à noter est l’absence d’effet xénon (effet poison neutronique qui impose d’attendre plusieurs heures avant de redémarrer sur les réacteurs thermiques). Cela simplifie le pilotage !

Il y a aussi un léger effet qui remonte ponctuellement la réactivité qu’il faut prendre en compte, c’est l’effet neptunium.

4.2 Combustible
Le combustible a une géométrie hexagonale (carrée en REP), et est disposé dans des “aiguilles ” (“crayons” en REP). La géométrie en aiguille est choisie pour sa compacité. On parle de forte densité de puissance (plus du double d’un REP en MW/m3). Un combustible RNR-Na doit avoir au moins 15% de plutonium.


Le cœur est constitué par ces assemblages hexagonaux disposés dans le cœur. L’ensemble développe une puissance de 3000MWth. Il y a 360 assemblages soit environ 5.7 tonnes de plutonium. SPX demeure le plus gros RNR jamais exploité.

4.3 L’échangeur intermédiaire (EI)
Dans un RNR-Na, il y a 4 échangeurs supplémentaires, intercalés entre le circuit primaire et le circuit turbine. Pourquoi ?
Le circuit primaire en sodium peut contenir des produits de fission radioactifs. Sans échangeur intermédiaire, une potentielle réaction entre le circuit primaire et le circuit eau/vapeur aurait pour conséquence un relâchement de produits de fission dans l’enceinte du réacteur. L’EI, échangeur Na-Na, permet de les séparer et ainsi garantir la fonction de sûreté confinement au seul circuit primaire sans risque d’interaction avec de l’eau/vapeur.
Deux concepts d’organisation de ce circuit intermédiaire sont proposés. La différence repose sur la localisation de l’échangeur intermédiaire, dans la cuve (concept intégré) ou en dehors (concept à boucles, comme sur REP). Le caloporteur utilisé dans cet échangeur est également du sodium, après avoir écarté l’option de l’eutectique Pb-Bi. Des concepts récents (Hexana) proposent d’utiliser un sel fondu. Sur SPX, les EI sont positionnés à l’intérieur de la cuve, en concept intégré.

4.4 Le circuit secondaire
Il y en a quatre. Les générateurs de vapeur (GV) sont hélicoïdaux sur SPX, contrairement à ceux des REP, et encore différents des GV en épingle de Phénix. L’avantage de cette géométrie est qu’elle présente une grande longueur (80m). Les GV de SPX sont conçus en un seul morceau, comme sur REP, moins chers mais plus durs à changer. Les tubes sont en Alliage 800. Les caractéristiques sont détaillées ci-dessous. Le GV avait beau être le premier du genre, aucun incident majeur n’a été déclaré pendant ses 748 jours d’opérations.

C’est très différent de la géométrie d’un GV de REP. Ils sont particulièrement bien conçus pour résister à une rupture de tube (RTGV), car cela cause une réaction sodium-eau sous pression.


4.5 Les cuves
C’est assez particulier sur SPX, il y a deux cuves. Une cuve dans une autre. La cuve la plus intérieure contient l’ensemble du circuit primaire, et la cuve de sécurité qui l’entoure permet de contrôler les fuites sodium et de valoriser la convection naturelle de ce dernier, et donc en évacuant la chaleur résiduelle, ce qui permet d’éviter l’évaporation du sodium. Sur Phénix, la faible puissance relative à la surface de cuve permettait de refroidir uniquement par rayonnement de la face externe de la cuve.
L’avantage de cette cuve de sécurité est qu’en cas de grosse fuite, le circuit n’étant pas très pressurisé il n’y a pas d’effet “spray” et le niveau en cuve reste stable, sans dénoyage du cœur. Le choix fait sur SPX est de prendre la cuve principale, la dalle supérieure prend la masse. Un schéma pour bien comprendre.

Sur ce schéma, en gris clair la cuve principale, en forme d’entonnoir. La cuve de sécurité englobe les pompes primaires. (source: EDF)
4.6 Les pompes primaires
Elles sont toutes mécaniques, et non pas électromagnétiques (réacteurs du futur). Ces pompes sont au nombre de quatre, d’une hauteur de 15 m, d’un diamètre maximum 2,5 m pour une masse totale sans moteur et avec protection biologique de 120 tonnes.
Si la plupart des petites pompes des circuits Na sont électromagnétiques (sans pièces mobiles, utilisant juste les propriétés métalliques conductrices du Na), les 4 pompes primaires de 4MW chacune sont classiques (moteur électrique à vitesse variable en partie haute et rouet + volute en partie basse).
Chose à noter, la pompe étant suspendue par en haut, les dilatations thermiques à l’entrée sont importantes. Ainsi la pompe est supportée à sa partie supérieure par un anneau flexible permettant la libre inclinaison de la pompe sous l’action des déplacements différentiels.

4.7 Le bouchon couvercle cœur (BCC)
On parle ici de la pièce amovible positionnée en haut au centre et reposant sur la dalle de maintien.

C’est une pièce multifonction qui sert à fermer le circuit primaire par le haut, assurant l’étanchéité. Comme sur un REP, le BCC supporte et positionne les mécanismes de commande des barres et l’instrumentation de surveillance du cœur. Il a aussi un rôle de protection biologique et thermique. Par rapport à un REP, le BCC a aussi une fonction hydraulique, il dévie les jets de sodium à la sortie du cœur.
5. Sûreté nucléaire
C’est une partie assez simple, car la sûreté nucléaire repose sur trois fonctions de sûreté, peu importe la technologie de réacteur. Les voici.

5.1 Maitrise de la réactivité
SPX dispose de 24 grappes d’arrêt pour stopper la réaction en chaîne, elles sont placées en haut pour chuter gravitairement. L’effet Xénon n’est pas présent, simplifiant le contrôle de la réactivité du cœur. Le centre du cœur, là où il est le plus chaud, induit des variations de densité du sodium, contribuant à des insertions ponctuelles de réactivité. L’objectif est de se prémunir en concevant un cœur CFV (faible vidange) comme le projet ASTRID. L’effet est d’autant plus fort que le cœur est grand.
Il existe enfin sur SPX une barre tenue par un électro-aimant, et permettant d’assurer, en cas de séisme, une chute: le SAC (Système d’Arrêt Complémentaire). Cette barre permettait à elle seule l’arrêt du réacteur.
Il est à noter que contrairement au REP, SPX n’a pas besoin de bore (neutrophage), et le pilotage est plus simple car cela a permis de mettre en place une régulation directe entre l’appel de puissance turbine (réseau) et le contrôle automatique des grappes.
L’avantage de SPX réside dans l’unique moyen de contrôle de la réactivité. Là où les réacteurs REP nécessitent de contrôler la concentration en bore et la position des grappes de commande, le réacteur SPX n’est contrôlé que par les grappes. Cela a permis de mettre en place une régulation directe entre l’appel de puissance turbine (réseau) et le contrôle automatique des grappes. Dans l’autre sens, l’inertie du Na primaire et secondaire (au total 4000 + 4x 1200 t de Na) impliquait 1min30 de décalage entre le déclenchement turbine et l’arrêt (rapide) réacteur.
5.2 Evacuation de la puissance résiduelle
La puissance évacuée en fonctionnement passe par les générateurs de vapeur. Mais une fois le réacteur en arrêt neutronique, il reste une chaleur liée aux produits de fissions. Cette évacuation post arrêt neutronique (arrêt automatique réacteur) se fait via des échangeurs. Avant d’expliquer ces systèmes, une précision. Un système de sûreté dit « passif » n’a pas besoin d’intervention ou de moyens externes (eau, électricité) pour assurer son rôle. Sur SPX, il y a trois familles circuits:
- le système à 4 boucles DRACS nommé RUR sur SPX, qui plonge dans le sodium primaire et permet par une convection naturelle de refroidir par échange avec l’air extérieur,
- le système à 4 boucles BPR qui est connecté à l’échangeur intermédiaire, cela permet d’évacuer la puissance contenu dans ce volume de sodium,
- le RVACS actif à deux boucles, nommé RUS sur SPX, qui échange la puissance au niveau de la paroi de la cuve avec un circuit en eau (pas de risque sodium-eau ici).

5.3 Maitrise du confinement
Le confinement d’un réacteur nucléaire c’est le principe des matriochka. On imbrique entre elles des barrières, et la rupture de la précédente doit pouvoir être contenue dans la suivante.Alors regardons ces barrières.
Première barrière : la gaine combustible
La conductivité thermique élevée du sodium (x70 par rapport à l’eau) assure un coefficient d’échange important entre les gaines et le sodium. Concernant les ruptures de gaine, elles sont de deux types, ouverte ou gazeuse. Les RNR français sont équipés du système DND (Détection de Neutrons Différés) pour détecter les ruptures ouvertes de gaine. L’assemblage défectueux est ensuite identifié et retiré du cœur (on s’interdit de fonctionner en gaines percées). Dans le cas des ruptures par rejet de gaz de fission, des rejets peuvent alors avoir lieu par les soupapes de protection du circuit d’argon du ciel de pile.
La deuxième barrière: c’est compliqué
C’est assez complexe à définir sur RNR-Na, on va donc regarder seulement le concept intégré ici (type SPX).
- cuve principale du réacteur (21m de diamètre),
- fermeture supérieure du réacteur,
- circuits auxiliaires véhiculant du sodium primaire ou du gaz de couverture (argon) hors du circuit primaire,
- tubes des échangeurs intermédiaires (EI) séparant le sodium primaire du sodium intermédiaire,
- tubes des échangeurs des circuits d’évacuation de la puissance résiduelle immergés dans le circuit primaire.
En résumé, tout ce qui constitue la cuve et sa partie supérieure, plus les traversées. Cette barrière n’est pas étanche. Il existe des fuites d’argon au niveau de la fermeture supérieure par l’ouverture des soupapes pour réguler la pression du “ciel de pile”. Ces fuites sont contrôlées et mesurées régulièrement.
La troisième barrière
Elle est constituée par la combinaison de la cuve de sécurité (22.5m de diamètre) et du dôme fixé dessus (photo ci-dessous).


La quatrième barrière
Elle est constituée par le bâtiment réacteur.

5.4 La gestion des accidents graves
Concernant les accidents graves, les normes à l’époque de Phénix n’imposaient pas de système de mitigation. SPX avait quand à lui un récupérateur à débris de corium dans sa cuve. On l’appelait le cendrier, il était originellement conçu pour résister à la fusion complète de 7 assemblages, la fusion totale étant jugée trop improbable en raison des caractéristiques de sûreté du cœur.

6. Cycle combustible
Cette partie est la plus important pour comprendre l’intérêt des RNR-Na dans une optique de gestion durables des matières radioactives françaises. La France est assise sur une mine d’or qui ne demande qu’à être exploité, à la différence notable que, cette fois, l’or est déjà miné et ne demande qu’à être valorisé. Nous avons plusieurs millénaires d’énergie primaire à disposition.
6.1 Complémentarité REP-RNR-Na

Il est important de comprendre que les RNR se positionnent comme l’étape suivant celle du déploiement de REP. Le plutonium généré par les irradiations en REP permet de démarrer des RNR. Le MOx neuf (voire usé) est exploitable en cœur rapide. C’est un point clé car cela permet de se baser sur un cycle existant, ce qui donne au RNR-Na un avantage considérable sur d’autres technologies de 4e génération tels que les réacteurs à haute température (HTR) à combustible TRISO ou les réacteurs à sels fondus (sel chlorure ou fluorure).
Maintenant c’est l’étape où ça devient un peu complexe. Voilà un scénario possible de gestion durable du cycle, avec 400TWh de production électrique.

En l’état actuel du cycle français, le parc produit environ 10 tonnes de Pu par an. Les REP viennent donc se placer comme l’étape préliminaire (et indispensable) à l’établissement d’une filière rapide qui a besoin de plutonium pour démarrer ses premiers cœurs. L’objectif à très long terme (plusieurs décennies) est la surgénération, qui permet ensuite à la filière de s’autoalimenter.
Pour donner un ordre d’idée 10t de plutonium permettent de démarrer environ 1 GWe de RNR-Na.
6.2 Retraitement du combustible
Les processus chimiques impliqués dans le retraitement et l’extraction des actinides mineurs dépassent mes compétences, mais les personnes intéressées peuvent toujours aller lire la monographie CEA sur la séparation des actinides des combustibles usés (disponible ici). C’est un sujet passionnant qui mériterait un article entier, mais n’étant pas chimiste je ne m’y risquerai pas. Il y a eu trois usines essentielles :
- l’atelier expérimental AT1 à La Hague (1969-1979),
- l’atelier pilote de Marcoule (APM, 1973-1997),
- l’usine UP2–400 à La Hague où le retraitement de ces combustibles RNR a été effectué en dilution avec des combustibles de la filière UNGG.
SPX n’a pas eu le temps d’utiliser sa couverture fertile prévue au 2e coeur, car il a été arrêté avant. En revanche Phénix a montré que le retraitement permettait la surgénération.

La fabrication du futur combustible pour les RNR-Na dépendra du choix effectué sur la transmutation (ou non) des actinides mineurs. Si on ne les recycle pas, la fabrication du combustible MOX RNR est proche de celle du MOX REP, ce qui est un avantage car les installations existent déjà.
6.3 Transmutation des actinides mineurs
C’est le moment où on arrête de dire que les RNR-Na ne génèrent pas de déchets. Cela n’est pas possible, il y aura toujours des déchets. La question est lesquels, pour quelle durée, et pour quelle radiotoxicité. Avant, une précision de vocabulaire.
- Transmutation : toute opération qui change un élément en un autre, utilisé si on fait disparaître un élément que l’on ne veut pas (Am-241 par capture par exemple).
- Incinération : disparition d’un actinide mineur par fission ou par capture. Parfois utilisé pour la fission du plutonium.
- Conversion : disparition du plutonium.
Pour rappel, les actinides mineurs sont très fortement contributeurs à la chaleur résiduelle et à la radiotoxicité des déchets nucléaires actuels. Ce sont des atomes lourds qui peuvent être valorisés en spectre rapide. L’idée est de regarder ce qu’on peut faire des actinides mineurs dans un RNR. On imagine une irradiation sur 5 ans dans un cœur rapide d’un échantillon d’actinides mineurs (je prends les 4 AM principaux: Np237, Am241, Am243, Cm244). Source ici.
Après irradiation il y a proportionnellement moins de masse d’actinides mineurs. Cela a généré du Pu, dont une partie sera fissile. Et cela a aussi généré des produits de fission à vie courte. Donc en irradiant les AM, cela fabrique de la matière fissile et diminue à la fois la radiotoxicité et la chaleur résiduelle des combustibles usés de REP.
Cela permettrait d’utiliser CIGEO encore mieux, du fait de la possibilité d’augmentation de concentration de matière dans les alvéoles, la chaleur résiduelle étant moins élevée ! Pour les amateurs de graphes logarithmiques, ci-dessous la contribution des actinides mineurs (Am, Cm, Np) à la radiotoxicité et à la chaleur des matières nucléaires.


7. Les matériaux
Je vous donne juste les informations si vous êtes curieux, je ne suis pas expert matériau. Il faut simplement retenir que les matériaux du sodium ont été éprouvés (400 années de fonctionnement), ce qui donne une avance considérable au RNR-Na face aux autres AMR, notamment sur les RNR au plomb ou les réacteurs à sels fondus. Le sodium est réducteur et non oxydant, la corrosion n’est pas dimensionnante dans les études sur les matériaux de structure du réacteur.
7.1 Les matériaux du combustible
Les matériaux structurels sont en acier inoxydable austénitique. Le combustible est une poudre MOx compactée en pastille. Acier AIM1 sur SPX, AIM2 sur ASTRID. Le tube hexagonal est en acier EM10.
7.2 Les matériaux structurels
Le barillet destiné à permettre le chargement et le déchargement du combustible du réacteur, à l’origine en acier 15D3, a été changé suite à une fissure rapide.
La cuve est en acier austénitique (316LN pour basse teneur carbone (L) et azote contrôlé (N)).
- La robinetterie est en acier inoxydable austénitique.
- Les tubes GV de SPX sont en alliage à forte teneur en nickel, du type Alliage 800.
Les matériaux du GV sont conçus pour limiter l’effet “wastage” en cas de fuites sodium. Quand une fissure a lieu dans un tube du GV, l’eau sous pression crée dans le sodium un dard avec effet chalumeau, qui pourra attaquer les parois accessibles

Pour résumer, voici les différents matériaux stratégiques sur SPX.

8. Exploitation et bilan de SPX
C’est la partie où on a le droit de s’énerver.
8.1 Un prototype arrêté trop tôt
“Le simple bon sens dicte la marche à suivre : puisque l’investissement est fait, puisque le combustible est disponible, et puisque les dépenses d’exploitation peuvent être équilibrées par les fournitures d’électricité, dépensons le plus tard possible les sommes inéluctables que nécessiteront la mise à l’arrêt définitif et le démantèlement de la centrale.“ Georges Vendryes.
8.2 Comprendre ses performances industrielles
Sur les 10 années d’opération du réacteur :
- 54 mois de procédures administratives pendant lesquelles le réacteur est en état de fonctionner, mais n’est pas autorisé,
- 53 mois de réel fonctionnement.
Deux évènements non nucléaires n’ont pas aidé sa viabilité, ni son image publique:
- En 1990, le toit de la salle des machines s’effondre à cause d’une chute de neige exceptionnelle.
- La turbine de 1240MWe n’était pas encore prête, il a fallu en faire deux de 600MWe. Cela a conduit à des difficultés de fonctionnement importantes dans les premières années et à des baisses notables du coefficient de disponibilité. Les caractéristiques thermodynamiques sont celles d’une centrale thermique (turbines 3000tr/min). La double turbine impliquait un conditionnement très long et très précis (que n’ont pas les REP) des turbines selon que les deux étaient froides, une sur les deux ou les deux très chaudes. Cela n’a pas simplifié les choses.
8.3 Les fuites
Superphénix aura connu 2 très petites fuites de sodium (à comparer à Phénix qui en a eu 35. Le retour d’expérience, ça compte).
Première fuite: mai 1987, une fuite sodium est constatée sur le barillet. Cette fuite est causée par la corrosion d’un acier proposé par le partenaire allemand… Or cet acier n’était ni utilisé, ni validé sur Phénix. Cet équipement sera remplacé et cela nécessita une intervention de 18 mois.
Deuxième fuite : en 1990, de l’air s’infiltre dans la partie supérieure, dans le ciel d’argon. Cette fuite est causée par un compresseur de mauvaise fabrication. Cette fuite a servi de raison aux politiques pour paralyser le réacteur qui ne pourra pas fonctionner pendant 4 ans.
Troisième fuite (pas en sodium mais notable): une entrée d’air dans le ciel d’argon a créée une pollution à la surface du sodium.
Bilan : trois fuites sans aucun rejet à l’environnement, sans conséquence radiologique grave.
8.4 Rejets dans l’environnement
Les conséquences d’un réacteur rapide sur l’environnement sont très faibles. Les rejets liquides ou gazeux de ces réacteurs sont aujourd’hui encore plus faibles que ceux des REP. L’étape du minage, qui correspond à la plus grande contribution aux dégâts environnementaux, est inutile sur RNR.
Rejets thermiques: le bon rendement thermodynamique des réacteurs rapides (rendement brut d’environ 44% sur Phénix vs 34% sur EPR) réduit les rejets thermiques.
Pollutions chimiques et carbonique: si on regarde l’analyse du cycle de vie du nucléaire EDF actuel, on voit la prédominance de la mine dans les pollutions.
Et enfin l’évidence, une minimisation des déchets nucléaires de haute activité, et une réduction partielle de la radiotoxicité des déchets.
8.5 Conséquences sociales de l’arrêt de SPX et témoignage d’un ancien de SPX
Je remercie chaleureusement Stéphane Sénard, un ancien de SPX, pour son témoignage sur la fermeture SPX.


L’arrêt fut si brutal que beaucoup de personnes se sont retrouvées au chômage du jour au lendemain. A ce propos, je vous conseille cet excellent article:
L’arrêt de Superphénix fut un désastre humain
La fermeture de la centrale de Creys-Malville en 1998 s’apparente à un suicide économique et technologique.
www.contrepoints.org
L’arrêt fut brutal. Le gouvernement ayant profité de la première visite décennale pour ordonner la fermeture, les agents ont été pris de court et ont vécu cette décision comme un coup de poignard dans le cœur. En effet, ils avaient jusqu’alors l’impression d’être au front du développement technologique humain, d’exploiter le réacteur le plus avancé du monde (et encore inégalé en puissance !).
Il s’était développé une fierté exceptionnelle chez les agents du site, et malgré l’emploi garanti grâce aux statuts sociaux EDF, les conséquences psychosociales de la fermeture ont été désastreuses. Par un témoignage recueilli personnellement, addictions, divorces, violences intrafamiliales, suicides… ont été en large hausse dans les années suivant la fermeture au sein des anciens de SPX. Seule reste à présent une rancœur tenace des anciens, ouvriers trahis par un pouvoir de gauche.
D’un point de vue psychosocial, toute fermeture brutale d’usine est semblable, l’étude « D’un monde à l’autre : la fermeture d’une entreprise » par Danièle LINHART en 2002 en parle en détails (source).
8.6 Démantèlement de SPX
Cela avance convenablement, et démontre l’avance des RNR-Na en la matière (encore une fois). Précisons que le démantèlement est en France une obligation réglementaire dès la conception du réacteur.
9. La suite de SPX
Après SPX et le projet SPX2, les projets ASTRID et ESFR ont pris le relai en terme de R&D. Ces projets ont été abandonnés mais ont apporté beaucoup d’acquis technologiques sur RNR-Na.
Pour finir sur une note d’optimisme, la France est loin d’avoir tout perdu et un village peuplé d’irréductibles ingénieurs résiste encore et toujours à l’envahisseur. L’abandon du projet Astrid n’a pas signifié la fin du RNR-Na. Au sein du CEA naissait alors un projet afin de maintenir des compétences clés. Avec le plan France 2030, le CEA décide de lancer deux structures privées afin de relancer les concepts de RNR-Na. L’espoir français du RNR-Na est désormais à placer dans deux structures, Hexana et Otrera. Les deux concepts reprennent des briques technologiques du projet ASTRID et des précédents RNR-Na.
- Hexana a fait le choix d’un stockage de sels fondus pour servir de batterie thermique, en utilisant un sel à la place de l’eau avec le sodium dans l’échangeur, afin d’éviter la réaction exothermique sous pression sodium-eau. L’objectif est de limiter les innovations au minimum afin de valoriser le plus possible le retour d’expérience des RNR français. Le réacteur vise l’isogénération.
- Otrera a fait le choix de l’échangeur sodium diazote du projet ASTRID et de la turbine associée. L’objectif est de faire de la cogénération (électricité et chaleur).
Ces deux start-up proposent la technologie AMR (nucléaire avancé) la plus mature de tout le spectre du nucléaire innovant, en France comme à l’international. On parle de 400 années réacteurs en fonctionnement. Soit plus que les RNR-Pb (plomb), RNR-gaz et RSF (sels fondus) réunis. De l’autre côté de l’Atlantique, on peut citer TerraPower. Ce réacteur propose d’utiliser du combustible enrichi à 20% plutôt que de valoriser le plutonium car aux Etats-Unis il n’y a aucun retraitement. On perd alors beaucoup de l’intérêt du RNR du point de vue du cycle…
L’autorité de sûreté nucléaire (ASN) a présenté les différents réacteurs avancés en projet en France, et les RNR-Na font partie des plus matures et donc des plus susceptibles d’être développés rapidement.

Le projet Nuward est en phase de redéveloppement , on ne sait pas où cela peut mener à l’heure actuelle. Si vous voulez plus d’informations sur les différentes filières de 4e génération, un lien vers une infographie SFEN.
10. Conclusion
J’espère vous avoir donné des éléments utiles pour comprendre les RNR-Na et le génie derrière Superphénix. La France a les moyens de se doter d’une vraie indépendance énergétique.
Cet article est dédié aux 3000 techniciens et ingénieurs, hommes et femmes, privés de leur formidable machine. Superphénix a été tué par l’ignorance des politiques. La France avait une avance considérable qu’elle doit retrouver. Soyons à la hauteur de l’héritage de nos anciens, à qui je n’ai qu’une chose à dire: merci.


Merci à mes amis qui m’ont aidé dans la conception de cet article: Louis, Emile, Louiliam.
Un immense merci à Stéphane Sénard pour sa relecture et son témoignage.
Merci à Joël Guidez, pour sa pédagogie et sa transmission de savoir.
Et merci à vous d’avoir lu jusqu’ici ! N’hésitez pas si vous avez des questions.
Sources:
[2] https://miro.medium.com/v2/resize:fit:640/format:webp/1*_YMwF1mQYzgpLRqt9DNBXg.png
[3] https://laboutique.edpsciences.fr/auteur/897/joel-guidez
Une réponse à “L’AVENTURE SUPERPHENIX”
génial comme résumé